jeudi 17 mars 2011

Fukushima, un nouveau Tchernobyl ?

Vendredi dernier le Japon a connu un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, qui a été rapidement suivi par un tsunami. La centrale nucléaire de Fukushima, située à 250 km de Tokyo, a été endommagée et a subi une série d’explosions. Cet accident nucléaire est de niveau 6 sur une échelle de 7. Il faut savoir que le niveau 7 n’a été atteint qu’une seule fois, lors de l’accident nucléaire de la centrale ukrainienne de Tchernobyl en 1986.

La question qui se pose alors est : Faut-il comparer Fukushima à Tchernobyl ?
1. Points communs

Selon Frigis Reich, qui est un scientifique suédois, la situation est plus grave qu’on ne le pense. Je cite : «L’ampleur de la catastrophe est sous-estimée au Japon. Si nous utilisons l’échelle traditionnelle de 7 points, qui évalue le danger atomique, nous nous trouvons déjà à 7.» Pour cet expert, qui compare volontiers Tchernobyl et Fukushima, le danger est très grand, et le Japon tente de dissimuler des informations sur l’état réel des choses. Ce pays est l’un des plus nucléarisés du monde. La catastrophe, dans ce contexte, pourrait nuire à la crédibilité des centrales nucléaires en général, et japonaises en particulier.

Le séisme de vendredi a provoqué une perte totale d'alimentation des systèmes de réfrigération. Cette panne totale était jusqu’alors, je cite le physicien américain Ken Bergeron, « considérée comme extrêmement improbable mais est un sujet de grande inquiétude depuis des décennies. Nous sommes en territoire inconnu ». Les réacteurs de Fukushima ont été arrêtés mais le cœur du réacteur peut fusionner s'il n'est pas refroidi et commencer à couler au fond de l'enceinte de confinement.

Ce sont une cinquantaine de salariés qui se battent aujourd’hui pour tenter de refroidir ces réacteurs. Munis de combinaisons protectrices, ces hommes ont notamment pour tâche d’injecter de l’eau de mer dans le réacteur pour en refroidir le cœur. Ce personnel est exposé à de très fortes radiations et il est certain que la plupart d’entre eux décèderont dans le mois.
A ce stade, on fait face à une situation semblable à celle de Tchernobyl, où l’on déversait du sable et du ciment pour recouvrir le réacteur en fusion.
Je cite l’expert américain Joseph Cirincione « Si cela continue, s'ils ne reprennent pas le contrôle de tout cela, on va passer d'une fusion partielle du cœur du réacteur à une fusion complète. Ca sera le désastre total ».

Certains experts craignent donc que la situation empire, et que les conséquences soient aussi graves qu’à Tchernobyl. Cependant, les deux situations présentent de nombreuses différences.

2. Différences entre les deux accidents

D’abord à Tchernobyl, l’accident a eu lieu lors de tests effectués par les techniciens de la centrale, et non suite à une catastrophe naturelle. A Fukushima, le tremblement terre et le tsunami ont arrêté les alimentations électriques et bouché les arrivées d'eau. Les systèmes de refroidissement des réacteurs ont été détériorés, la pression d'hydrogène a augmenté dans les cuves. Les ingénieurs ont décidé de relâcher de la pression dans un hangar, pour que cet hydrogène ne reste pas à l'intérieur de la cuve ou de l'enceinte de confinement. Au contact de l'air, l'hydrogène peut exploser, c'est ce que l’on a pu voir à la télévision. Mais c'est en fait bien moins grave que si l’explosion avait eu lieu à l’intérieur du réacteur.

C’est ce qui s’est passé à Tchernobyl. Le cœur du réacteur a été détérioré suite à une explosion. A l’époque il n'y avait pas d'enceinte de confinement à l’intérieur des réacteurs pour protéger le cœur, donc la quasi-totalité des éléments radioactifs présents dans le cœur ont  été propulsés dans l'atmosphère par un incendie très violent. Cet incendie a été aggravé par le graphite, utilisé dans les réacteurs. Les éléments radioactifs du cœur ont été propulsés à des kilomètres dans l'atmosphère : c’est ce que l’on a appelé le « nuage de Tchernobyl ».

Il y aussi de la radioactivité dans le nuage qui part de la centrale de Fukushima, mais en quantité bien moins importante. Ce nuage va se diluer dans l'atmosphère. Il n'est pas comparable au nuage de Tchernobyl, puisque le cœur est pour l’instant protéger. Cette chaleur est résiduelle, elle va baisser petit à petit car le réacteur ne fonctionne plus. A Tchernobyl, il marchait toujours.
La troisième différence c’est que le Japon est aujourd’hui mieux préparé à gérer une telle crise. En effet, depuis vendredi on a le temps d'évacuer la population, d’inviter les gens à se calfeutrer chez eux, et de distribuer des pastilles d'iode, qui sont assez efficaces pour réduire le taux de cancer des personnes exposées aux radiations.


En conclusion, les deux accidents sont lourds de conséquences et il s’agit dans les deux cas d’une véritable crise pour le Japon. Cependant, la modernité de la centrale de Fukushima, et notamment des réacteurs, ainsi que la meilleure préparation et réactivité du pays, permettent de dire que les deux événements sont incomparables.

[Sources : L’expansion, Les Echos, Le Figaro]

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